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La médiation familiale « parent-adolescent » Pourquoi ? Comment ?

Photo du rédacteur: Horizon 78Horizon 78
Comment renouer avec son adolescent ?
Médiation parent-adolescent

J’accueille Kevin, 16 ans, en rupture avec son père. Sa mère l’a obligé à respecter la demande d’un juge aux affaires familiales (JAF). « A quoi ça sert ? De toute manière, je ne veux plus le revoir, et ma mère dit que vous ne pourrez pas m’y obliger ».

 

Nous vous proposons quelques réflexions sur la médiation “parent-adolescent” (MPA).

 

Contextes

Médiations judiciaires : Dans la gestion des séparations conflictuelles, l’un des objectifs du JAF est de garantir que les conditions de séparation permettent l’exercice de l’autorité parentale conjointe.

Celui-ci peut être compromis si l’enfant refuse tout contact avec un de ses parents. Il paraît néanmoins difficile de forcer un adolescent à maintenir une relation qui lui paraît insupportable. Dans une telle situation, le magistrat, qui craint que l’enfant ne soit instrumentalisé dans le conflit parental, peut proposer une MPA.

Une JAF m’expliquait son espoir que l’adolescent puisse trouver « en dehors du tribunal, qui reste un lieu symbolique associé au conflit de ses parents, une figure d’autorité apaisante et non-jugeante qui l’aide à s’extraire du conflit parental ».

Au-delà, la MPA peut également être une demande spontanée et porter sur la relation dans les familles recomposées, les contraintes éducatives, ou accompagner une prise d’autonomie conflictuelle.

 

Modalités

La pratique place vers 13 ans l’âge où une MPA peut être envisagée. 

Mélanie, 15 ans, m’explique pourquoi il est impossible de rencontrer son père, en racontant plusieurs scènes censées prouver la toxicité paternelle. Ces descriptions sont calquées, au mot près, sur le récit que sa mère m’avait déjà relaté. Mes tentatives pour lui faire prendre du recul par rapport à ce récit se heurtent à un mur.

Cette absence de distance par rapport au récit ou aux émotions du « parent-gardien » montre que la médiation n’est pas encore possible.

 

Parmi les médiateurs formés à la MPA, un consensus est apparu sur l’intérêt de commencer le processus par une médiation entre les parents sans la présence de l’enfant. Cette étape pourra notamment contribuer à dépasser le conflit de loyauté auquel l’adolescent est confronté.

 

Le cadre doit protéger l’adolescent (et parfois le parent) contre le risque d’agression, de dénigrement, ou de reproches, et contre les émotions envahissantes (« La voir pleurer pour que je revienne, c’est insupportable ! »).

Lorsque la rencontre directe est perçue comme « dangereuse », des « médiations navettes » (présence alternative des 2 personnes) permettent, par un dialogue indirect, de préparer la rencontre.

 

Processus

Des entretiens d’information individuels

Je reçois Julie, 19 ans, quelques mois après avoir rencontré ses parents et son frère pour une MPA judiciaire. Les refus de la mère et de l’adolescent avaient alors mis fin au processus. Julie explique vouloir parler de son père, autrement qu’avec le filtre du récit maternel. Elle raconte sa fatigue par rapport à ce conflit qui ne la regarde pas. Elle a dû « choisir son camp, pour soutenir sa mère qui était fragile ». Elle a maintenant « pris du recul » et comprend que « tout n’est pas noir ou blanc ». Je lui demande si elle veut revoir son père. Elle hésite : « j’ai peur qu’il me reproche d’avoir choisi ma mère ». Je lui explique comment le cadre de la médiation pourrait la protéger. Je l’interroge sur ce qu’elle souhaiterait dire à son père : « Je voudrais comprendre ». Le détachement du récit maternel laisse de nombreuses interrogations. « Mais est-ce que cela me regarde ? ». Elle repart sans avoir pris de décision. Mais l’échange lui a permis d’avancer dans l’idée de revoir son père.

 

Il arrive souvent que, comme dans cette situation, le processus s’arrête après les entretiens d’information. ceux-ci ont permis aux adolescents rencontrés de faire l’expérience de l’écoute particulière du médiateur. Les questions ouvertes, qui visent à ébranler les certitudes et à envisager d’autres possibles, ne suscitent que rarement une adhésion immédiate. Mais elles pourront être « ruminées » et contribuer à l’évolution de l’adolescent.

 

Des séances de médiation

Omar, d’origine marocaine, démuni devant sa fille Nadia, 17 ans, lycéenne dans un établissement public, m’explique qu’il a de « bonnes relations » avec Nadia. Cependant, elle refuse de parler « de certaines choses » et, lorsqu’il insiste, elle s’en va « je ne sais pas où ». En entretien d’information, Nadia décrit le fossé culturel entre sa famille et le milieu social dans lequel elle évolue tous les jours. Sans critiquer les règles familiales, elle aspire à une liberté de parole et de comportement qui inquiète et déstabilise son père.

La médiation qui se met en place permet de dépasser les injonctions paternelles, inefficaces et vécues comme un carcan rétrograde. Le dialogue qui s’instaure permet au père d’exprimer à la fois son respect de la liberté de Nadia, son inquiétude vis-à-vis de potentielles « mauvaises influences », et son souhait de préserver le cadre éducatif des jeunes frères et sœurs. Nadia, de son côté, se sent libre de prendre en compte les inquiétudes de son père, en ajustant son comportement.

Le cadre de la médiation s’est présenté au bon moment, alors que le père et la fille avaient compris l’impasse dans laquelle ils se trouvaient. Une séance a suffi pour qu’ils reprennent confiance dans leur respect mutuel, et dans la possibilité de se parler et s’écouter.

 

Lorsque la médiation se met en place, il s’agit d’un accompagnement court : quelques étapes (2 à 3 séances en moyenne) dans un processus progressif de décision. L’important est d’expérimenter une capacité à agir sur sa vie.



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