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Existe-t-il un instinct maternel ?


C’est une question que vous vous êtes sûrement déjà posée, peut-être d’ailleurs sous forme d’affirmation : « Je n’ai pas l’instinct maternel, je suis une mauvaise mère ! ». Et en même temps, quelle mère n’a pas, par moments, éprouvé des sentiments de colère ou de déception envers son enfant ? Peut-être est-ce en tant que conjoint que vous vous étonnez que votre conjointe ait des difficultés dans son lien avec son nourrisson ? 

Pour certains, les mères sont génétiquement programmées pour aimer leurs petits.

Pour d’autres, l'instinct maternel est une pure construction sociale.


Au 19ème siècle, Darwin citait en exemple le chagrin des guenons lorsqu'elles perdent leur bébé ou le zèle qu'elles peuvent mettre parfois dans l'adoption de petits singes orphelins : « Une femelle babouin avait un cœur si grand qu'elle adoptait non seulement les jeunes singes d'autres espèces, mais volait aussi de jeunes chiens et chats, qu'elle emportait partout avec elle. » De ces ressemblances entre les comportements des mères dans de nombreuses espèces animales et celui de certaines femmes, Darwin concluait que l'affection maternelle fait partie des instincts sociaux les plus puissants, et qu'elle pousse les mères humaines et animales à nourrir, laver, consoler et défendre leurs petits.


Contre cette évidence de l'instinct maternel, Elisabeth Badinter écrit en 1980 un livre choc, L'Amour en plus, dans lequel elle affirme que loin d'être naturel, l'amour maternel est profondément modelé par le poids des cultures. L'auteur explique que l'idée d'un amour maternel est relativement nouvelle en Occident, qu'elle date des environs de 1760. Auparavant, du fait de la forte mortalité infantile, des contraintes économiques qui pesaient sur la femme et, surtout, du peu d’intérêt que l’on portait aux enfants (considérés à l'époque comme des sortes d'ébauche grossière d'être humain), l'attention apportée aux petits était limitée. La littérature met aussi en lumière un nombre important de mères distantes et parfois brutales. Pour Elisabeth Badinter, ce n'est qu'à la fin du 18ème siècle que le rôle de mère a été valorisé et que le regard sur l'enfance a changé du tout au tout. A cette époque, on valorise surtout les femmes dans leur rôle de mère nourricière entièrement dévouée à sa progéniture.


Au 20ème siècle, on découvre qu'il existe des mécanismes biologiques qui attachent la mère à son petit. Mais ces mécanismes ne sont pas des pulsions aussi implacables que le besoin de manger ou de dormir. Pour permettre à ces mécanismes de fonctionner, il y a des étapes à franchir .


Les cas d'abandon suffisent à remettre en cause l'idée d'un instinct maternel irrépressible. Le fait même que certaines femmes puissent abandonner leur enfant, avec souvent d’impérieuses raisons : la pauvreté, la solitude, l'enfant illégitime qu'il faut éliminer, le désarroi…  prouve que l'instinct ne commande pas tout et qu'on peut lui désobéir. L’existence même de cette expression courante « instinct maternel » amène en tout cas la femme qui a du mal à se réjouir de sa grossesse ou à se sentir proche de son bébé après la naissance, à culpabiliser.


Finalement, il semble que l'instinct maternel n'agisse pas comme un programme infaillible. Il opère plutôt par une série continue de détonateurs, qui peuvent ou non s'amorcer, selon les circonstances ou les réactions à l'environnement. Certaines circonstances de la grossesse ou de l’accouchement : deuil pendant la grossesse, césarienne non programmée, difficultés de couple, problèmes relationnels dans l’enfance, violences sexuelles… peuvent par exemple parfois complexifier la mise en place de l’attachement entre la mère et son enfant. Comme l’écrit un sociologue du 20ème siècle, « au lieu des vieilles dichotomies entre nature et culture, il faut s'intéresser aux interactions complexes entre gènes, tissus, glandes, expériences passées et signes de l'environnement, y compris les signaux sensoriels lancés par les nourrissons et les individus proches.»


Par ailleurs, on peut se demander pourquoi on ne parle jamais d'instinct paternel …

Être parent, ce n’est pas forcément inné et vous éprouvez peut-être le besoin d’être soutenus dans votre désir d’être une mère suffisamment bonne ou dans votre parentalité ? N’hésitez pas à demander l’aide d’un professionnel.


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