En séance de thérapie de couple, il m’arrive d’entendre de la part d’un couple qui a pris sa retraite : « j’avais plein d’envies, de projets, mais rien ne se passe comme je l’imaginais. D’ailleurs, on n’a pas du tout le même rythme, on ne se comprend plus. Je ne le (la) se supporte plus ! ».
Dans la vie d’un couple conjugal, le passage à la retraite peut être une période critique ; c’est une étape de la vie qui bouscule les équilibres et les croyances que l’on a sur soi, sa famille, son couple.
La retraite est souvent liée à la fin de la vie professionnelle. Or le travail est un lieu de socialisation et d’appartenance, et l’identité professionnelle est une composante de notre identité sociale. Aussi, l’équilibre du couple se modifie du fait de ce changement. Même s’il est prévu et attendu, ce passage demande des réorganisations : se retrouver face à face dans un espace commun à se réapproprier, redéfinir les rôles, les places, se réinterroger sur ses besoins particuliers, ses attentes, communiquer … Chaque membre du couple, avec son individualité propre, va vivre ces changements différemment. Cela peut être difficile lorsque le travail prenait une place importante dans la valorisation de soi.
Des préoccupations jusque-là refoulées, des sujets que l’on pensait résolus, peuvent resurgir. Ainsi chacun peut vivre des moments de doute, de questionnement, d’angoisse. Le « nous » peut s’affaiblir, se briser. Cela peut engendrer des tensions, des incompréhensions et des conflits.
Parfois, les ajustements dans le couple sont trop coûteux psychologiquement et socialement : du fait d’être libérés des contraintes sociales, certains ont du mal à accepter les compromis. Si les projets, les envies, les rêves de l’un et de l’autre, mis de côté pendant la vie professionnelle, ne sont pas conciliables, cela peut aboutir à une séparation. D’autant qu’aujourd’hui, avec l’augmentation de l’espérance de vie, l’indépendance financière des femmes, chacun veut vivre pleinement cette étape.
Ainsi, le nombre de divorces vers 60 ans augmente ainsi que les remariages et les séparations tardives. Certains décident de rencontrer une thérapeute de couple pour parler de ses difficultés relationnelles.
Néanmoins, malgré ces évolutions, vieillir ensemble reste encore la norme. Et malgré les crises que peuvent vivre des couples au début de leur retraite, la séparation dépasse rarement le stade du fantasme.
« Fantasme de libération où l’autre peut être perçu comme l’obstacle à la réalisation de soi, fantasme d’autosuffisance et d’affirmation de la toute-puissance de son désir… L’ambivalence de nos sentiments fait que, par nature, nous sommes tiraillés entre des désirs contraires : être seul ou à deux, être proche ou distant… La relation conjugale peut être vécue comme une contrainte dont chacun aimerait par moment se libérer sans pour autant passer à l’acte. Car finalement, nous avons besoin de croire en l’altérité profonde qui nous lie à l’autre et qui nous donne le sentiment d’être et d’exister. »*
* Véronique Cayado Docteure en psychologie
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